Faire de la « compensation carbone » dans l’espoir de contrebalancer les émissions dues au voyages en avion est une mesure très prisée parmi les organisations s’efforçant d’adopter une politique de déplacements plus durable. Mais ladite compensation ne s’accompagne généralement d’aucun changement réel des pratiques et des politiques de transport, et se révèle quasi inutile en termes de réduction réelle des émissions.
La compensation carbone de projets peut ainsi par exemple impliquer le production d’énergie à partir du méthane (qui est produit en grande quantité dans le cadre de l’élevage insdustriel), ou le développement de centrales hydroélectriques censer éviter la production d’énergie à partir des combustibles fossiles. Les projets de préservation de la forêt ou de plantations d’arbres proposés par certains opérateurs peuvent également vendre de tels crédits de compensation, censés représenter des réductions d’émissions réalisées pour le compte de l’industrie du transport aérien.
Des études montrent que la majorité des projetsn’évaluent pas correctement leurs réductions d’émissions. L’institut allemand de recherche sur l’environnement Öko-Institut a analysé pour le compte de la Commission Européenne l’efficacité des projets de compensation existants et a conclu que seuls 2% de ceux-ci ont une probabilité élévée de permettre des réductions d’émissions réellement additionnelles. Ainsi, à titre d’exemple, une centrale hydroélectrique dont la construction était planifiée de toute façon, ne peut être un projet éligible pour la vente de crédits carbone, qui à leur tour permettront à d’autres de polluer plus.
Ces projets sont de plus situés pour la plupart dans les pays du Sud et mène souvent à desconflits locaux ou à des expropriation des terres. C’est particulièrement le cas des projets dits REDD+ (Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation), fondés sur une gestion des terres et de la forêt. Les petits propriétaires et les populations autochtones se voient interdire l’utilisation de la forêt suivant leurs usages ancestraux, et ce dans le but de permettre le stockage par les arbres de carbone dans des quantités prédéfinies.
En somme, la compensation est injuste et assimilable à une sorte de colonialisme du carbone. Pour permettre à une petite partie de la population mondiale de continuer à prendre sans cesse l’avion tout en gardant bonne conscience au plan écologique, certaines populations doivent en payer le prix : ce sont souvent celles dont les émissions sont déjà très basses, dont la contribution historique au changement climatique est négligeable, et qui de surcroit doivent déjà faire face aux impacts de la crise climatique.
On a pu parfois prétendre que le fait de rendre la compensation possible en « dernier recours » , et d’essayer de compenser les émissions localement (par exemple dans la ville ou l’organisation où se situent les émissions à compenser), permet d’éviter de contribuer à des injustices. Mais il n’en demeure pas moins que la compensation fait alors office de permis de polluer et participe au statu quo. Ainsi, celle-ci retarde les changements indispensables dans notre système de mobilité.
Cet article est à l’origine issu du rapport Décroissance du transport aérien. Vous pouvez lire le rapport complet ici. Pour en savoir plus sur la compensation carbone, consultez notre brochure L’illusion de l’aviation verte.